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Photo du rédacteurMuriel Coutant

Réflexion tendre et délicate autour des rage-rooms.

L’époque charrie son lot de tensions psychiques, nous le savons que trop bien, et notre récent réflexe écologique nous amène, comme pour le reste, à tenter de les recycler… en énergie vitale.


Dernière découverte en date : la catharsis, ce processus de libération des pulsions, passions, tensions refoulées, selon Aristote, fait peau neuve dans ces lieux nommés Destroy Room, Rage Room ou autre Fury Room.


Pour ceux qui ne connaissent pas encore, il s’agit de petites salles à louer environ 20 minutes, dans la lignée des escape-games, sur différentes thématiques du défoulement. Non, ce ne sont ni des salles de sport, ni des karaokés : de simples pièces emplies de vaisselle, d’ordinateurs, de mobilier, ou d’électroménager destinés à être brutalement cassés par vos soins. Je vous rassure, l’expérience est extrêmement sécurisée. Vous voici donc chaussé de lunettes de protection, de chaussettes épaisses et de gants goudronnés, armé à votre guise de marteaux, battes de baseball, machettes, hache ou piolets face à des piles d’assiettes, de vieux fours à micro-ondes ou écrans qui n’attendent que vos coups et vos cris avant d’être recyclés. Au terme de ces 20 minutes, l’endroit ressemble à une fête de ball-trap qui a mal tourné, et vous vous dîtes que finalement, non, ce n’est pas si court 20 minutes. Parce que tout y est passé : insultes, hurlement de bête, bris et éclats, pétage de plombs, léger début de tendinite à l’épaule droite, sueur dans les yeux, morve fumante au coin de la narine, et merde, ça fait du bien !


Même si mon propos n’est certainement pas de vous convaincre du bien-fondé de la manœuvre, je réponds d’emblée aux quelques intéressés. Oui, il est possible de louer la salle en individuel ou pour plusieurs personnes. Charge à chacun d’assumer son comportement désinhibé et ouvertement bestial à l’issue de la séance. D’autant que le marketing fait son boulot, et que l’offre se décline en forfaits ciblés, particuliers et entreprises : after-work (pour ma part, je l’ai nommé tout péter au bureau), enterrement de vie de garçon ou de jeune fille (va-t-en-guerre), séminaire d’entreprise (team-breaking), colère domestique (sérieux ?!), ou super-vénère (un point c’est tout), … Tiens, je ne crois pas qu’ils proposent de photos du « flag » à la sortie du manège. Si ? Non ? Ah, ils devraient.


Recueil de témoignages à chaud : « Trop drôle ! ».

Trop drôle ?! Mais qu’est-ce qu’il y a de drôle à choisir d’hurler à 40€ les 20 minutes au bas des bureaux aseptisés de La Défense ? Autant se barrer en forêt pour crier sa rage aux hôtes de ces bois ! Quoi, la biodiversité ? Épouvanter trois chevreuils ou un couple de cygnes ne va pas bouleverser la tranquille canopée du Bois de Vincennes. La différence, c’est que la catharsis proposée en milieu urbain associe le geste à la parole. Frapper, déchirer, exploser, vriller, détruire, assommer, brusquer, casser, atomiser, … Quitte à être « drôle », autant doter le lieu d’un nom à la promesse créative, comme « Pulvériser façon puzzle » ou « You talkin’ to me ? » ! Voilà, paraît-il, la véritable solution à la purification de ses émotions toxiques : une violence contenue entre quatre murs inspirée des chambres de déminage et de détonation. Une expérience féroce à nulle autre pareille.


Que deviennent alors  les prétendants à de telles activités qui vivraient trop loin de l’une de ces salles ou qui n’en auraient pas les moyens, ou les deux ?


Comment expulsent-ils leur rage ? Les plus sages se livreront à des sports extrêmes ou de combat, les plus audacieux prendront d’assaut à la nuit tombée une casse automobile isolée pour y fracasser les derniers pare-brises intacts, et les plus démunis n’auront de toute façon plus assez de force pour casser un œuf après une journée d’usine et de labeur éreintant.


A l’heure où la violence se déploie sous toutes ses formes, autant comme un appel au secours que comme la manifestation d’un sentiment d’exclusion, voire d’indifférence, et elle-même combattue avec force violence policière ou judiciaire,  je m’interroge sur la dimension cynique de ces petites salles où la violence est encouragée, moyennant quelques dizaines d’euros. Où les acteurs sont tout à fait recommandables, parce qu’ils sont managers d’une des tours, quinze étages plus haut ou future épouse d’un gentil vétérinaire. En d’autres temps, d’aucun y aurait trouvé un écho à toute activité peu recommandable qui s’achète au sex-shop du coin. Certes, il n’y a pas mort d’homme dans quelques bris d’assiettes ou de smartphone pulvérisé. Pourtant, ce commerce présenté comme salvateur contient toutes les caractéristiques d’une déviance mortifère.


Il doit bien exister d’autres formes de catharsis, de purge de sa colère ?

Ne serait-ce que dans l’attention, l’écoute, la relation à l’autre.  L’accompagnement d’un professionnel dans un monde qui se transforme si vite, parfois avec férocité, n’a rien de honteux. C’est démodé de raconter ce qui nous tend ou de pleurer de rage ? La douceur d’un regard sur sa difficulté à s’adapter au changement pourrait peut-être obtenir un impact supérieur à celui d’un mauvais remake d’Orange Mécanique.

Quant à la violence, suffit-il d’un concept de destruction massive pour l’enrayer ou d’une camisole virtuelle pour la contenir ? La violence prend sa source dans la colère. La colère dans la blessure (d’injustice, d’abandon, de rejet, de trahison ou d’humiliation). Individuelle ou sociale.

Partons en voyage ensemble lors d’un coaching, et remontons le fleuve jusqu’à sa source.

Anticipons les débordements et construisons les barrages qui vous conviennent. Définissons les dérivations sauvages et tourbillonnantes. Libérons la parole de toute pollution et transformons vos pensées enragées en un filet d’eau claire et rafraichissante.

Faisons en sorte que la question des rage-rooms ne se pose plus pour vous.

Jamais.



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